Brame 2021

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Ce brame 2021 fut, pour moi, très particulier à plus d'un titre car j'ai eu peu de temps libre : tous les jours de 18h00 à 9h00 et mes WE. Ces paramètres m'ont conduit à me rabattre sur la forêt landaise proche de la maison, environ 30 minutes de route.
Dans un premier temps, je décide fin août d'aller me poster à l'affût sur la lagune que je connais bien. Une autre surprise m'y attend : elle est, cette année, entièrement pleine d'eau ! Bonne nouvelle pour la nappe phréatique et tant pis pour le photographe. En effet pendant le brame, l’intérêt essentiel de ce lieu est la petite herbe verte et tendre qui pousse sur la vase asséchée dont les biches sont très friandes. A l'inverse les molinies qui l'entourent ne sont que très peu consommées et sans biche pas de cerf ni de brame... D'ailleurs, les passages sont très peu marqués et les indices de présence de cervidés sont très rares.
Alors que je patiente en observant quelques chevaliers et une aigrette garzette, qui eux, apprécient ce niveau d'eau, j'aperçois un sanglier qui arrive.
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Mine de rien, il se rapproche de l'aigrette et en ferait sans doute bien son repas.
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Mais l'aigrette est vigilante et ne s'en laisse pas conter.
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Au bout de quelques minutes, il rentre en forêt, mais ressortira 2 fois ensuite.
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Je reverrai ce sanglier solitaire les 4 affûts suivants et puis le 9 septembre, surprise : c'est une biche qui sort.
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Elle est accompagnée de son faon.
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Ils viennent au bord de l'eau chercher les rares plantules tendres qui ne sont pas étouffées par les molinies.
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Peu intéressé le faon préfère le lait maternel. Pour info, les tétées sont des observations courantes pendant le brame, car les faons tètent en principe jusque début février.
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Rien ne vaut une petite sieste après un bon repas ! Il se relèvera quelques minutes plus tard et rejoindra sa mère qui s'enfonce doucement dans les molinies.
C'est en regagnant ma voiture vers 21h30 que j’entends mon premier brame de l'année, loin, loin, très loin... Je décide donc de sillonner un peu le secteur pour repérer d'éventuelles places de brame actives, mais je n'entendrai rien de bien concluant. 3 ou 4 cerfs brament mollement chacun dans leur coin, très éloignés les uns des autres. C'est vraiment le début.
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Les 2 jours suivants, je retourne me mettre à l'affût au même endroit. Rien ne sortira, par contre cela brame un peu plus dès 19h30 dans des secteurs éloignés alors que tout reste silencieux autour de moi. Je comprends qu'il va me falloir trouver une autre place de brame si je veux assister à un minimum de spectacle. La technique est assez simple : il suffit de sillonner la forêt de nuit et d'écouter. C'est donc ce que je fais ces 2 nuits-là, de 22h00 à 2h00 du matin. Je parcours toutes les routes goudronnées d'un secteur d'environ 10 000 ha en voiture, avec arrêt de 15 minutes tous les 1 km. Le bilan de ces 2 nuits d'écoute est assez maigre et reflète bien la faible densité du secteur : 8 endroits où cela brame dont 2 « points chauds » où il me semble qu'au moins 2 cerfs bramaient, assez près, l'un de l'autre. Le premier lieu repéré n'est pas du tout propice aux photos. 2 cerfs brament dans un petit clair, difficile d'accès, au milieu d'une parcelle de pins. Cette photo du trio de base de la harde de cerfs (biche, bichette et faon) illustre parfaitement la situation. Seul le pare-feu, bordant à l'ouest cette parcelle, pourrait m'offrir la possibilité de quelques photos d'animaux le traversant. Ce n'est pas trop mon truc !
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Le second « point chaud » est une enclave de champs de 27ha qui n'est plus cultivée depuis 2 ans. Elle est devenue une friche broyée une fois par an. Elle est parcourue par des fossés de drainage, de 2m de large et de 1,80m de haut. Ils sont humides, mais sans eau apparente, excepté à un endroit où se trouve une souille de 2 m2. Cette place de brame est très claire et facile d'accès. Mon choix est vite fait et c'est donc là que je passerai mon brame. Le 13 et le 15 septembre, le vent vient du sud, mal placé pour ma nouvelle trouvaille.
Je retourne donc sur « ma » lagune qui, elle est à bon vent. Le sanglier est toujours fidèle au rendez-vous.
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Cette fois, il n'est pas seul mais accompagné d'une femelle.
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Il sort de la souille et rejoint la femelle.
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Après quelques coups de boutoirs, ils repartiront en forêt. En ce qui concerne le brame, cela semble s'exciter. 2 cerfs brament sous futaie à environ 900m de moi depuis 19h00.
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Samedi 18 septembre le vent a tourné. Il est maintenant de nord-est. 1H avant la pointe du jour, je suis en bordure de la friche. 3 cerfs brament, mais sont déjà rentrés en futaie. Je reste malgré tout un peu sur place, au cas où, mais seul un petit brocard viendra animer cette matinée.
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Après un frugal déjeuner et une petite sieste, je vais me poster à l'affût. J'ai une vue très étendue sur les ¾ de la friche. Je suis en place vers 16h00. Je patiente en regardant chasser un couple de busard st martin et en observant les nombreux tariers patres. Celui-ci me fera la grâce de venir se poser sur les fougères à quelques mètres devant l'affût. 1 cerf sortira vers 20h00, mais beaucoup trop loin de moi pour faire des photos.
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Le 22 septembre, je me poste au plus près de la sortie qui me semble la plus fréquentée. J'entends bramer de temps en temps dans la futaie devant moi à partir de 19h15. Vers 19h45 j'entends le brame saccadé caractéristique d'un cerf qui course une biche. Effectivement, vers 20h00, une biche sort et vient vers moi en trottant.
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Quelques minutes plus tard « Monsieur » sort à son tour, fier comme Artaban, humant à pleins naseaux les effluves laissées par la biche.
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La biche broute tranquillement et lui semble confiant. Je sais qu'à 70m je ne risque pas grand-chose et je fais donc une petite rafale pour juste l'intriguer et avoir une photo de face.
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Il est très occupé à maintenir « sa » biche dans la clairière, car manifestement, elle n'est pas là de son plein gré et cherche sans arrêt à regagner la forêt. A plusieurs reprises, le cerf la contourne et la ramène dans la friche sans ménagement aucun, voire à coup d'andouillers si besoin. Une petite démonstration de force du cerf qui raffûte les herbes sèches.
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Il relève la tête avec les bois chargés d'herbes.
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La biche en profite pour doucement, pour ne pas dire subrepticement, se rapprocher de la forêt.
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Mais « Monsieur » est vigilant et une fois de plus, il se déplace pour la contourner et lui couper la route vers la futaie. Heureusement, il marche doucement ce qui me permet de faire quelques clichés. Le voici à 40m.
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Il passe à 15m devant l'affût et par chance s’arrête et me jette un regard.
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Aprés avoir ramené « sa » biche en pleine lumière, il repasse devant moi un peu plus près encore, 12m, et s’arrête une nouvelle fois. Bien calé sur mon monopode et avec mon vieux téléobjectif non stabilisé, je jouis pleinement de l'instant.
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Il s'éloigne doucement et s'assure que la biche est bien repartie vers le centre de la friche. Il fera une petite halte à la souille avant de la rejoindre. Hélas, pour moi, la nuit est tombée et je les devine à peine à l’œil nu.
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Le 23 septembre, seul un petit brocard viendra me rendre visite.
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Le 24 septembre, un jeune cerf vient lui aussi à la souille.
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Le voici prêt à descendre dans le fossé.
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Le voilà à la sortie. Il traversera la friche et s'éloignera doucement...
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Samedi 25 septembre, je suis installé à 6h00 du matin dans l'affût, soit 1h 30 avant le lever du jour. 2 cerfs brament à tue-tête, mais hélas, ils sont en futaie. Je patiente malgré tout en espérant que l'un d'entre eux sorte dans la friche. Le seul que je verrai, c'est « Monsieur » qui me fera le plaisir de passer à 25m sur ma gauche, vers 10h 00, entre 2 rangées de pins.
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Son meilleur profil !
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Le 28 septembre, un jeune cerf sort vers 20h00 . Cela semble d'ailleurs être l'heure habituelle de sortie, mais comme les jours raccourcissent je constate que la luminosité est de plus en plus faible !
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Comme tous les autres, il se dirige vers la souille.
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Il avance d'un pas décidé.
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Sans hésiter, il descend dans le fossé.
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Moins de 2 minutes plus tard, juste le temps pour moi de perdre ½ vitesse, il ressort. Toutes mes observations confirment un passage éclair dans cette souille. Cela me laisse à penser qu'elle est plus une borne olfactive, où les cerfs vont marquer leur territoire, qu’une vraie souille où ils se vautrent.
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Tout est calme, je n'entends aucun cerf bramer aux alentours, aucune biche n'est sortie. Après un regard circulaire, il reprend sa marche, traverse la friche en diagonale et rentre en forêt dans le coin sud-est.
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Le jeune cerf de l'avant-veille sort en face de moi. Cette fois, il est accompagné d'une biche, mais il a surtout ¼ h de retard, ce qui fait que les limites du matériel sont atteintes. L'autofocus a une fâcheuse tendance à patiner.
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Cette fois l'autofocus ne veut plus rien savoir, je le débraye et je fais la mise au point à la main comme quand j'étais jeune. C'est dommage, car c'est le seul cerf que je verrai bramer dans cette friche. Cela s'explique sans doute par la faible densité en cerfs du secteur qui ne favorise ni la concurrence, ni la compétition.
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En attendant, lui est comblé et surveille « sa » biche jalousement.
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Le 1 octobre, j'installe mon affût à 50 m de la souille. Alors que je cherche mon bouquin dans mon sac à dos, j'entends un bruit de clapotis et je vois un cerf, arrivé de nulle part, sortir du fossé. (Après réflexion, je me dis qu'il devait être couché dans la souille avant mon arrivée et que je me suis installé alors qu'il était là, car il est impossible que je ne l'aie pas vu arriver. La lisière la plus proche est à 180m.) Je suis en train d'appuyer sur le déclencheur lorsque je me souviens que j'ai laissé le boitier sur hight speed ! Trop tard la rafale est partie et surtout le bruit qui l'accompagne, a brisé le silence !
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Sa réaction est immédiate et fulgurante ! Il virevolte et trotte jusqu'à la lisière la plus proche. Il restera 2 ou 3 minutes à 200m en cherchant à comprendre d'où est venu ce bruit intempestif avant de rentrer en forêt.
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Le 6 octobre, je m'installe au même endroit. Cette fois, je vois un cerf sortir vers 19h 35. Il commence par « muser », c'est le terme consacré quand, le nez collé au sol, les cerfs cherchent à démêler le réseau d'odeurs laissées par leur congénères.
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C'est un jeune 9 cors que je n'avais encore pas vu. Il se rapproche peu à peu en alternant les recherches d'effluves et les poses grattage.
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Il prend aussi le vent de temps en temps, car l'air aussi transporte tout un tas d'odeurs. Je suis rivé au boitier, l’œil collé au viseur, car je sais que tous ces ruisseaux olfactifs vont immanquablement le conduire à la souille. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai choisi cet emplacement d'affût.
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Cette fois, j'en suis sûr, il arrive. Il grossit dans le viseur et malgré l'adrénaline et mon rythme cardiaque qui s'accélère, je dois me concentrer sur les photos. En effet, vu la faible luminosité, il me faut déclencher au bon moment, celui par exemple où son antérieur droit est levé, mais juste au moment où il s'immobilise avant de redescendre.
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Sa progression continue et je suis aux anges ! Même si j'ai déjà vécu ce cas de figure des centaines de fois, il me procure toujours la même émotion. Le voir avancer vers moi, confiant, est un bonheur indescriptible, que bien peu de choses peuvent égaler !
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Un dernier regard à gauche pour s’assurer que tout est tranquille.
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Le même à droite.
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Le voici qui descend à la souille.
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Moins d'une minute plus tard, le voilà qui ressort. Comme les autres, il est venu juste pour marquer son territoire et vérifier le passage de ces congénères. De mon côté, je suis enchanté car tout s'est passé comme prévu et finalement peu importe que ce soit un gros ou un petit cerf ! Mon principal motif de satisfaction vient d'avoir su m'adapter, d'avoir trompé sa vigilance, et d'avoir réussi à maîtriser tous les paramètres que je peux contrôler. Les photos gardées pour immortaliser cet instant magique, malgré les mauvaises conditions de lumière, ne représentent qu'une part infime de ce bonheur.
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Le 7 octobre, non rassasié, je retourne au même endroit. Dans un premier temps, un renard vient, lui aussi, jusqu'à la souille, me démontrant ainsi qu’elle attire bien des convoitises.
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Comme le cerf, il jette un regard circulaire avant de descendre dans le fossé.
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A 20h00, toujours le 7 octobre, je m’apprête à démonter l'affût lorsque sort ce daguet. Il fait presque nuit et je profite d'un moment où il s'est figé pour regarder une biche qui sort de la lisière ouest pour faire quelques photos. Me voilà donc coincé pour 1h 30 car je dois attendre la nuit noire pour pouvoir m'éclipser sans les déranger. Cette attente me permet de constater que cela sent la fin du brame. Aucun cerf ne brame aux alentours et la biche n'est pas suivie.
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Le 8 octobre, je m'installe pour être le plus proche possible de la lisière, car vu l'heure où les animaux sortent chaque minute gagnée est primordiale. Je patiente en observant le couple de busards st martin qui, comme tous les soirs, vient chasser sur la friche de 19h 00 à 19h 30. Voici la femelle.
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A 19h 45, j'entends un raire en face de moi, mais je ne vois rien sortir. A 20h 00, deux biches, une bichette et deux faons sortent enfin.
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Le cerf lui ne sort toujours pas. Cela me permet cependant d'observer un comportement atypique d'un faon vis-à-vis d'une biche. Il ne faut pas y voir un quelconque comportement sexuel (c'est un faon femelle d'ailleurs.), mais plutôt un certain signe de nervosité sans doute induit par le cerf qui n’arrête pas de raffûter en lisière, derrière le premier rideau de fougères. Cela ne semble pas perturber la biche qui continue à manger paisiblement.
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Le 12 octobre, dernier affût pour ce millésime, toujours au même endroit. Un jeune dix-cors inconnu sort et marche d'un pas décidé.
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Cette fois, cela sent vraiment la fin du brame. Il ne muse plus, mais il broute tranquillement.
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Je profite pleinement de ce moment, car je sais que ce sera ma dernière observation pour ce brame 2021.
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Je dois attendre qu'il se fige pour pouvoir déclencher, car la lumière est très faible et l'autofocus a une fâcheuse tendance à faire le yo-yo.
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Voici l'ultime image de ce brame 2021, plus pour le côté nostalgique que pour la qualité de la photo. Mise au point faite manuellement et sensibilité du boitier au maximum. Je le voyais à peine à l’œil nu. Heureusement qu'il avait les pointes des épois bien blanches !