Dés le début du mois de septembre, vous vous en doutez, seul le brame m'occupe l'esprit. Cette année, il s'annonce très chaud, car les températures avoisinent encore les 35 degrés à l'ombre. Mes 9 premiers affûts landais se sont tous soldés par une bredouille et je dois dire qu'en ce 19 septembre, j'ai le moral au plus bas. Il y a eu, bien sûr, la sortie d'un sanglier le 8 septembre qui est venu se bauger, mais cela est bien loin de satisfaire mes attentes ! Pendant le brame, seuls comptent les cerfs. 8 septembre : ce soir, un sanglier sort et vient se souiller devant l'affût. Il se vautre dans tous les sens et boute la terre avec son groin.
Le voilà maintenant assis sur son cul, dubitatif.
Il repartira tranquillement, me laissant à mon tour perplexe, car pas un seul cerf ne brame aux alentours. C'est le calme plat...
Afin de dissiper mes doutes, j'ai décidé de passer la nuit du 18 au 19 septembre dehors, afin de sillonner, en voiture, la forêt et de repérer l'endroit où cela brame le plus. A 6h 00 je fais le point et je choisis de retourner où j'étais vers 4h 00. En effet, 3 cerfs se répondaient à quelques centaines de mètres les uns des autres. A 6h 20, ils brament toujours et je prends la décision de tenter l'approche de celui qui me paraît le plus excité. Après avoir vérifié le vent, je m'engage dans une allée qui longe la parcelle de pins au milieu de laquelle il brame. Il avance lentement, mais régulièrement. Je repère alors un petit layon sur ma gauche qu'il devrait traverser dans quelque temps. Je m'y engage silencieusement et après environ 200m, je m’arrête pour écouter. Il brame de moins en moins souvent et de moins en moins fort, au fur et à mesure que le jour se lève ! Il est 7h 45, lorsqu'une biche sort dans le layon. Le cerf ne tarde pas à sortir à son tour, malheureusement, il ne bramera pas. Cette rencontre furtive est bien loin de combler mon attente. Elle a tout de même le mérite de me remotiver pour retourner à l'affût. En effet apercevoir un cerf traverser un layon, une allée ou un pare-feu ne provoque plus, chez moi, la moindre montée d'adrénaline.
C'est donc avec une motivation retrouvée que je m'installe à 15h 00 sur ma place de brame fétiche en forêt landaise. L'affût est constitué par 2 pins, en bordure de la clairière, accolés l'un à l'autre dont les troncs s'écartent à 1,30m du sol ménageant ainsi une fenêtre. Une branche que j'ai coupée à la bonne longueur, et que je coince entre les troncs, me permet de suspendre un filet de camouflage. Le boitier est placé sur monopode pour prendre les photos debout. L'installation est aisée et rapide. L'attente se fait en position assise, sur un pliant, au milieu des fougères, à travers desquelles je peux observer la clairière. Vers 18h 45, à travers le rideau de fougères qui me dissimule, j'aperçois 2 empaumures qui avancent tranquillement à une vingtaine de mètres de moi ! Sans bouger, je l'observe pendant qu'il traverse la ceinture de molinies qui entoure la clairière.Il est maintenant là, devant l'affût, à environ 40m. La première photo est toujours redoutée à ces courtes distances, surtout lorsqu'il s'agit d'un grand cerf adulte. Mais tout se passe pour le mieux, il boit paisiblement et ne réagit pas le moins du monde au premier déclic. Je m'autorise même une petite rafale qui ne lui fait même pas lever une oreille.
Après s'être désaltéré plusieurs fois, il relève la tête et se met à bramer. Cette fois, il s'agit bien d'un brame de défi, puissant et tenu qui traduit son excitation ! J'aime beaucoup cette position de ¾ dos qui me permet d’apprécier toute la puissance de ses empaumures.
Il se met ensuite à gratter la vase. D'abord avec l'antérieur droit...
Puis avec le gauche. Debout, derrière mon arbre, je devine comment tout cela va se finir et pour tout vous dire, je suis aux anges !
Il se met ensuite à raffûter, labourant violemment la boue avec ses bois, et là encore, ce qui devait arriver, arriva ! (la prochaine photo est déconseillée aux personnes pudiques.)
En pleine érection, il éjacule et urine à de nombreuses reprises pour imprégner le sol de son odeur et ainsi marquer son territoire. A ce propos, j'ai lu un jour un article où l'auteur écrivait que le brame était un mélange de subtiles odeurs. Sans doute, mais dans le cas présent, je peux vous garantir que son odeur est bien affirmée et qu'elle sature mon médiocre nez de fumeur ! On est très loin de la senteur délicate de la rose !
Au risque de vous lasser un peu, je vous présente cette photo qui fait un peu doublon avec l'avant dernière, car je trouve qu'elle met bien en évidence la puissance de ce cerf. Bien campé sur ses appuis, les bois arc-boutés contre la terre, il ne fait pas semblant le gaillard !
Comme si cela ne suffisait pas, il remet quelques coups de pattes de façon à parfaitement répandre tous ces effluves.
Enfin, quand tout est à sa convenance, il fléchit l’antérieur droit et se couche. Je vous fais grâce de toute la séquence pour ne pas être trop redondant.
L'objectif est maintenant de se rouler dans la boue pour se débarrasser et se protéger des parasites. Mais pour l'instant et pour paraphraser le poète, ses bois de géant, l’empêchent de se tourner.
Il reprend son élan pour une nouvelle tentative. De mon côté, je profite pleinement du spectacle et je suis impressionné par la puissance de ses empaumures !
Encore raté ! Dommage pour le photographe !
Après une telle débauche d'énergie, une petite pause est nécessaire. Il en profite pour se gratter derrière l'oreille. Et comme pour les chats lorsqu'ils passent la patte derrière l’oreille : c'est signe de pluie. Et donc, une petite averse arrive. La lumière reste malgré tout bien présente et c'est bien l'essentiel pour moi.
Même couché dans la boue, il ne manque pas de signaler sa présence à d'éventuels rivaux et sa prise de possession de la place de brame. C'est moi le maître des lieux !
Le voici qui se relève, ici encore, je vous épargne toute la séquence.
C'est finalement judicieux qu'il ait passé sa patte derrière l'oreille, car cela me permet d'obtenir des clichés sortant un peu de l'ordinaire. Personnellement je ne suis pas en sucre donc je ne crains pas la pluie et le boitier est bien au sec dans son sac-poubelle. La lumière se maintient, le cerf est serein : tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes !
Allez ! Encore une, sous un angle un peu différent qui met mieux en valeur sa ramure. Bizarrement, aucun autre cerf ne lui répond et il me plaît de penser que ce concert, il ne le donne que pour moi. Quand je vous dis que le brame me perturbe...
Celle-ci, j'étais obligé de vous la montrer, car c'est, à mon sens, la meilleure position qu'un cerf puisse prendre pour mettre en valeur la puissance de sa ramure. Alors tant pis si on ne voit pas ses yeux !
Beaucoup plus classique, cette posture ne dégage pas du tout la même puissance !
Un dernier brame pour la route !
Il faudra la pose d'un vol de canards colvert pour qu'il daigne enfin se retourner, presque vers moi.
L'appel de la forêt est le plus fort. Je le regarde gagner la futaie, sans doute à la recherche des subtiles odeurs laissées par les biches... Ainsi s'achève ce témoignage sur un moment magique qui a provoqué en moi une vraie montée d'adrénaline. C'est pour vivre de tels instants que je vais au brame, et même si j'ai déjà photographié cette scène à de nombreuses reprises, l'émotion ressentie est toujours aussi intense. Ces quelques minutes de bonheur absolu effacent bien vite les nombreuses heures de bredouille !