Une longue journée

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A 6H30, après 3H00 de voiture, je suis content de poser un pied par terre. En quelques minutes, je charge mon matériel et me voilà parti par le sentier qui monte à travers la forêt. Au bout de 500 mètres, je le quitte et je continue mon ascension en longeant par la droite un petit ruisseau qui s'écoule en chantant. Je progresse doucement, tantôt dans la forêt, tantôt dans des clairières où s'épanouissent des asphodèles blancs en fleurs (Asphodelus albus).
Je profite de ces quelques pauses photographiques pour reprendre mon souffle, car j'ai la très nette impression que plus les années passent plus la pente s'accentue...
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Enfin, vers 9H30, je suis à 500 mètres de la petite combe située à 1700m d'altitude où je veux aller me mettre à l'affût. Je suis alors confronté à un autre problème. En effet, cet endroit isolé, éloigné de tous sentiers, presque oublié des hommes, procure aux animaux une tranquillité qui les incite à traîner en pelouse très tard dans la matinée. Assis sur un rocher, je peux observer aux jumelles 3 groupes d'animaux : une harde de 6 biches dont 2 sont couchées au soleil au milieu de la combe, un groupe de 5 jeunes cerfs un peu plus loin qui broutent au milieu des rhododendrons et, plus proches de la forêt, une harde de 3 cerfs plus âgés dénouant déjà leur empaumure. Je dois donc attendre que tout ce petit monde se décide à rentrer en forêt. Je mets à profit ce temps libre pour réaliser quelques clichés de fleurs, comme celui-ci de gentiane à feuilles courtes (Gentiana brachyphylla).
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Vers 11H00, la dernière biche disparaît dans la forêt et je peux accéder à la combe et chercher un emplacement d'affût où je pourrai m'installer pour le reste de la journée, sans rien déranger. Je repère rapidement un bouquet d'alisiers qui me semble convenir. Il est situé à bon vent, bien orienté par rapport au soleil, offre un certain confort et une vue circulaire conséquente. Je l’améliore avec quelques branches mortes glanées au sol, avec quelques rameaux de rhododendrons. Après avoir ajouté quelques filets de camouflage et quelques branches derrière moi pour casser ce fond clair sur lequel ma silhouette se découperait beaucoup trop, il sera parfait.
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A 11H45 je suis en place et j'estime avoir bien mérité une bière en guise d'apéritif.
A peine la première gorgée avalée, qu'une biche, encore en mue de printemps, arrive. Elle perd son poil d'hiver par plaques. Dans quelques jours, ces tâches grisatres qui parsèment sa toison auront disparu et elle arborera, alors, son beau pelage roux d'été.
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Elle se met à brouter et semble apprécier cette herbe tendre si verte. Et dire qu'il y a 6 semaines, alors que j’étais venu chercher, ou plutôt ramasser des bois de cerfs (12 en 2 jours), tout était recouvert de 20cm de neige. Malgré les années je suis toujours émerveillé par cette explosion de la végétation si marquée en altitude.
La biche, quant à elle, se repaît tranquillement broutant de-ci de-là, semblant choisir les espèces végétales qu'elle préfère.
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Alors que le temps passe aucune autre biche ne se présente et très vite, je me dis qu'une biche isolée au début du mois de juin est sûrement suitée. Alors qu'elle me tourne le dos, j'en acquiers la quasi-certitude, car elle présente une belle mamelle bien gonflée, on devine même les tétons. Pourtant il n'y a pas de faon en vue. Cela n'a rien d'étonnant car dans les premiers jours de sa vie, celui-ci ne suit pas sa mère. Il reste couché dans un endroit tranquille attendant que la biche vienne lui donner la tétée à intervalles plus ou moins réguliers.
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La biche peut laisser seul son rejeton pendant plusieurs heures et s’éloigner de quelques centaines de mètres de lui. En attendant, peu à peu, elle se rapproche des rochers tombés de la paroi voisine, entourés de rhododendrons, pour mon plus grand bonheur, car j'affectionne particulièrement les clichés obtenus. J'aime beaucoup les dégradés de couleurs produits par les lichens et les mousses.
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A 12H30 elle se couche au soleil au milieu des rochers. Harcelée par les mouches, elle ne cesse de battre des oreilles. A 13H00 elle se relève et monte à travers les rhododendrons vers un petit bosquet dans lequel elle se recouche. Peut-être y a-t-il moins de mouches à l'ombre des feuillages ? Je la devine dans mes jumelles à travers la végétation.
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A 16H30 je l'aperçois qui se relève. Elle redescend vers moi à travers les rochers. Tranquille, elle se remet à brouter au milieu de l’éboulis puis regagne la verte pelouse.
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Alors que tout est calme, un cri retentit soudain, dans mon dos. Mélange entre le miaulement d'un chat et le bêlement d'un agneau, aucun doute, c'est un faon qui appelle sa mère ! La biche aussi l'a entendu, elle lève la tête, pique les oreilles et démarre au trot dans la direction de l'appel en passant à quelques pas de l'affût. Je me retourne et je la suis aux jumelles à travers les branches. Je la vois trotter entre les rhododendrons jusqu'à son faon qui se lève à son approche. Il était couché là, à environ 400m dans mon dos depuis plus de 4 heures. Je comprends qu'il ait faim ! Après une courte tétée, j'aperçois la biche passer au sommet d'un petit repli de terrain, accompagnée cette fois de son rejeton, avant qu'ils ne disparaissent tous les 2 de ma vue.
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A 18H00 très satisfait de ma journée je ramasse mon matériel et je démonte mon affût en prenant grand soin à ne laisser aucune trace de mon passage. Il me serait fort désagréable d'arriver un jour et de trouver quelqu'un à « ma » place ! Quand tout me paraît correct, je décide d'aller jeter un œil à 300m de là, à l'endroit où j'ai vu rentrer les cerfs ce matin.En quelques minutes, je suis à 10 mètres du sommet de l’arête qui me bouche la vue sur la petite combe en question. Je pose tout mon barda et je rampe entre 2 touffes de rhododendrons pour voir si les cerfs sont là. En effet, il y en a deux qui sont sortis, occupés à brouter. J'enclenche la marche arrière et je redescends récupérer mon boîtier. Je vérifie les réglages, monte le doubleur de focale, car ils m'ont semblé un peu loin et je repars. Je trouve un endroit propice aux photos entre 2 pieds de rhododendrons. Les cerfs sont toujours là. Je m'aperçois très vite que 30 ans de plein format ont altéré mon jugement. Il va me falloir démonter le doubleur, car ils sont trop près. Si celui-là lève la tête, il ne rentrera pas dans la boite !
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Lentement, j'ôte le boîtier puis le doubleur en faisant attention à le poser dans un creux afin qu'il ne roule pas en bas de la pente (on ne rigole pas ça arrive.) et je remonte le boîtier. Ouf ! Opération réussie sans provoquer la moindre réaction des animaux. Ils sont toujours occupés à brouter au milieu des rhododendrons et des pieds de myrtilles. Les photos s'enchaînent et pour ma part je les trouve beaucoup mieux ainsi !
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Il y a là un cerf dénouant l'empaumure et un plus jeune qui paissent tranquillement. Petit à petit, ils se déplacent sur ma gauche en direction d'une petite place herbeuse. Dommage le 300mm est trop long et je dois couper les pattes arrières au plus âgé des deux.
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Le plus jeune, lui, rentre dans la boite. Ils sont intrigués et se demandent, j'imagine, quel est ce truc allongé par terre qui fait clic-clac. Je dois rester parfaitement immobile et espacer les prises de vues. Peu à peu ils se remettent à brouter et semblent m'avoir oublié.
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Après quelques tergiversations, ils se dirigent doucement vers un petit replat dans la forêt. C'est l'occasion, pour moi, de réaliser quelques clichés moins serrés. Ce jeune cerf se prête volontier au jeu ! Il m'a complétement oublié mais semble, par contre, intrigué par quelque chose sur ma droite.
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Le plus âgé est plus circonspect. De temps en temps il regarde vers moi. Il se doute certainement qu'il y a là quelque chose d'anormal mais il ne parvient pas à identifier le danger. Tranquillement il descend dans la forêt et disparaît de ma vue. Le plus jeune lui emboîte le pas. J'en profite pour regarder sur ma droite et j'aperçois une harde mixte qui sort du bois à 400 mètres de moi. Il y a là 5 biches dont 3 accompagnées de leur faon et 3 jeunes cerfs en velours. Après quelques minutes d'observation, je me rends compte qu'ils ne passeront pas devant moi et je décide de quitter les lieux.
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Je redescends donc doucement de façon à être hors de leur champ de vision après avoir pensé à récupérer le doubleur (on ne rigole toujours pas, ça arrive aussi). Je charge mon sac et j'entame la descente retour à travers la forêt. Alors que je passe sur un petit promontoire, j'aperçois en contrebas 2 cerfs couchés dans une petite clairière. Je profite d'un petit vallon creusé par un ruisseau pour approcher et faire des photos.
Celui-ci mange couché et semble se régaler.
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Celui-ci dort profondement. Après quelques minutes, je les abandonne, car de toute façon, s'ils se lèvent les branches basses des arbres sous lesquels je suis m’empêcheront de faire des photos.
Une heure plus tard, après un petit détour pour ne pas les déranger, je retrouve ma voiture. Les 3 heures de route qu'il me reste à faire afin d'être à mon tour dans les bras de Morphée me paraîtront bien plus courtes qu'a l'aller. J'ai tant d'images qui se bousculent dans la tête que je ne verrais pas le temps passer !
Ainsi s'achève cette longue mais belle journée.